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Submitted by Anonymous (not verified) on Tue, 04/09/2024 - 13:06
Jambo

Trois décennies se sont écoulées depuis les jours sombres de 1994, une période qui a marqué le Rwanda et résonné à travers le monde entier. Aujourd'hui, à travers ces mots, nous tissons un hommage aux âmes perdues et aux esprits brisés, aux corps meurtris et aux cœurs saignants. Cet hommage se veut sans hiérarchie ni distinction, honorant chaque victime dans la particularité du crime dont elle a été victime, qu'elle soit connue ou inconnue, reconnue ou oubliée. Nous le faisons dans l'espoir que la mémoire et la justice se tiennent main dans la main pour éclairer le chemin vers la paix et la réconciliation.

Les prémices du chaos : Assassinats politiques avant 1994

La route vers le tragique 1994 a été pavée de douleurs et de pertes, marquée par une série d'assassinats politiques qui ont semé les graines de la discorde et de la méfiance. Ces actes ont non seulement ébranlé les fondations du Rwanda mais ont aussi laissé des familles endeuillées, des communautés déchirées, et une nation au bord de l'abîme. L'assassinat du président Habyarimana en avril 1994 n'a été que l'apogée de cette série macabre, un point de non-retour qui a plongé le pays dans une spirale de violence. Aujourd'hui, les voix des victimes de ces préludes de l’apocalypse résonnent encore, réclamant Paix, justice et vérité, dans un monde qui semble parfois préférer l'oubli à la confrontation avec la réalité.

La guerre à huis clos : Les crimes de guerre

Les provinces du nord, Byumba, Ruhengeri, et les autres territoires, ont été les témoins muets et les victimes impuissantes d'une guerre qui n'a épargné ni homme, ni femme, ni enfant. En un jour sombre, le 1er octobre, l'APR, brisant la fragile chrysalide de paix durement acquise, a embrasé la région de sa flamme guerrière, plongeant les populations dans l'abîme de la peur et du danger. Les habitants de Bigogwe, les déplacés de Nyacyonga, ont enduré l'indicible, pris dans la tourmente d'un conflit où l'avenir se noyait sous le fracas des armes. Pendant 4 ans ces populations ont été pris entre les feux croisés d’une guerre qu’elles n’avaient pas voulu. Ces années de conflit ont laissé des cicatrices indélébiles sur la terre et dans les cœurs de ceux qui y ont survécu, gravant dans leur mémoire des récits de peur, de perte et de désespoir qui méritent d'être entendus et honorés dans la quête incessante de justice.

L'éclipse de l'humanité : Le génocide contre les Tutsis

En avril 1994, le monde a assisté à l'un des chapitres les plus sombres de l'histoire de l'humanité, un génocide qui a systématiquement visé les Tutsis, les réduisant à des cibles d'une haine aveugle. À travers les voiles du temps, nous discernons aujourd'hui une triste vérité : ces âmes innocentes, ces victimes tutsies, ont été et sont encore utilisées comme des marches-pieds par ceux en quête de pouvoir, transformées en outils pour consolider des règnes, plutôt qu'en êtres à commémorer avec honneur. Les récits de survie, de courage et de douleur des rescapés doivent être racontés et reconnus, non pas pour alimenter la rancœur, mais pour forger une compréhension commune de la fragilité de la paix et de la valeur de chaque vie humaine. La mémoire de ces jours noirs, pure et non instrumentalisée, doit être préservée comme un catalyseur pour l'empathie, la solidarité et la réconciliation, et non comme un levier dans les jeux du pouvoir.

Les voix oubliées : Le génocide contre les Hutus

Dans la trame complexe de notre passé, la souffrance des Hutus émerge, non comme un murmure fantomatique, mais comme un cri poignant de vérité. Le génocide hutu, avec ses nombreux épisodes tels que Kibeho, Nyakinama, et les tragédies des camps au Congo, révèle l'ampleur et la profondeur de la douleur infligée. Ces moments de brutalité, loin d'être des anecdotes isolées, sont des maillons d'une chaîne d'atrocités qui témoigne de la gravité de ce qui s'est déroulé au Rwanda et contre les Rwandais. Il est impératif de reconnaître ces récits non pas pour atténuer d'autres souffrances, mais pour ajouter à la mosaïque de notre mémoire collective. Les survivants et les descendants des victimes hutues ont le droit inaliénable de partager leur histoire, de réclamer la lumière de la vérité dans l'obscurité de l'oubli. Dans ce contexte, la solidarité entre toutes les victimes de génocide se dresse comme un rempart contre le négationnisme. Accepter et reconnaître la réalité du génocide hutu est un pas essentiel vers la justice et la réconciliation, un pas vers un avenir où chaque voix compte, où chaque larme a du poids, et où chaque cœur meurtri trouve un chemin vers la guérison.

Au-delà des frontières : Les victimes congolaises

La contagion de la haine et de la violence n'a pas respecté les frontières nationales, affectant également nos voisins congolais. Leurs souffrances témoignent de l'interconnexion denos destins et de l'impact destructeur des ambitions et des intrigues qui ont cherché à exploiter et à déstabiliser la région pour des gains éphémères. Les larmes versées sur la terre congolaise appellent à une solidarité régionale et à un e engagement partagé pour la justice et la paix.

L'engagement de Jambo ASBL et du projet Mpore Mémoire et Justice

Face à cette mosaïque de douleurs et de souvenirs, Jambo ASBL et le projet Mpore Mémoire et Justice se dressent comme des bastions de l'espoir et de la résilience, avec un engagement inébranlable centré sur la victime. Notre mission première est de mettre la victime au cœur de nos actions, de lui offrir un sanctuaire où sa mémoire est préservée, où sa voix portant la vérité est entendue, et où son appel à la justice est amplifié. Nous nous engageons à embrasser toutes les victimes sans exception, à reconnaître chaque histoire individuelle, à guérir les blessures visibles et invisibles. Notre objectif est de transcender les clivages, de transformer les murs de division en ponts de compréhension et de compassion. En plaçant la victime au centre de notre engagement, nous réaffirmons notre détermination à tisser un futur où la justice et la mémoire forment le socle de la paix et de la réconciliation.

Un Appel à la mémoire, à la justice et à l'humanité 

En ce trentième anniversaire, nous sommes appelés à une introspection profonde, rappelant que le Rwanda a enduré une souffrance incommensurable en 1994. Pourtant, il est crucial de reconnaître que la douleur de notre nation plonge ses racines bien avant cette année noire, dès 1990, et continue, de manière alarmante, à imprégner notre présent pour des raisons qui demeurent irrésolues.

Nous devons être lucides : les éléments qui ont conduit aux tragédies passées sont toujours là, palpables dans le tissu de notre société. Des victimes demeurent oubliées, non reconnues, des réfugiés se voient encore refuser leur droit au retour, et de nombreux citoyens restent privés de voix. La haine, tenace, continue de hanter nos interactions, menaçant de raviver les flammes d'un passé que nous espérions révolu.

Cet appel à la mémoire, à la justice et à l'humanité ne se veut pas seulement commémoratif, mais aussi préventif. Il s'agit d'un cri pour que les leçons du passé ne soient pas vaines, mais qu'elles éclairent notre chemin vers un avenir où la dignité de chaque être humain est une réalité inébranlable, où la paix transcende l'aspiration pour devenir notre quotidien, et où la justice constitue le socle de notre communauté, de notre nation, et de notre monde.

Laissons résonner cet appel, non comme un écho du passé, mais comme un engagement actif pour aujourd'hui et demain, inspirant des actions et des changements concrets. Il est de notre devoir collectif de veiller à ce que les générations futures héritent non seulement des récits de notre histoire, mais également d'un héritage solide de réconciliation, de respect et d'amour universel, pour que jamais ne se répète ce que nous avons enduré.

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