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Submitted by snorman on Wed, 02/16/2022 - 15:26

PDF-LETTRE AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE SUR LA COMMISSION DUCLERT

JAMBO France

Paris, le 15 mars 2021JFR

A son Excellence Monsieur le président de la République Française

Emmanuel MACRON,

  Objet : Inquiétude de l’Association JAMBO France sur la mission confiée au Pr. Vincent DUCLERT portant sur l’analyse des « archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des tutsi (1990-1994) »   Monsieur le Président de la République,   Début avril 2021, la Commission dite « DUCLERT » devrait rendre son rapport sur la mission que vous lui avez confiée et qui consiste principalement en l’analyse de « l’ensemble des fonds d’archives françaises relatifs à la période pré-génocidaire et à celle du génocide lui-même » au Rwanda. Nous saluons l’objectif suprême de votre initiative, qui semble de vouloir faire toute la lumière sur ce que la France aurait fait ou n’aurait pas fait dans notre pays d’origine il y a plus de 30 ans, plus précisément entre octobre 1990 et juillet 1994. Toutefois, étant donné que vous semblez avoir promis au Président  Paul KAGAME de ne faire la lumière que sur une partie des crimes dont le peuple rwandais a été victime, à savoir le génocide contre les Tutsi d’avril à juillet 1994, nous souhaitons vous faire part de notre inquiétude majeure quant au risque de négation et de minimisation en France, des crimes commis par le camp même du Président  Paul KAGAME, à l’époque chef rebelle du Front Patriotique Rwandais (FPR) et dont finalement de nombreux rwandais ont été victimes.   En tant qu’association de droit français[1] représentant une partie des franco-rwandais ayant trouvé exil en France à la suite des crimes commis par le FPR dans les années 1990 au Rwanda et en République démocratique de Congo « ex-Zaïre », il est de notre devoir d’attirer votre attention sur le déni de Justice et de mémoire qui risque d’être aggravé par une lecture partiale et partielle des archives française relatives à cette période. Plus grave encore, le fait de limiter le mandat de la Commission « DUCLERT » au seul Génocide contre les Tutsis, constitue un risque bien réel que la France ne soit le premier pays Européen à définitivement éteindre tout espoir de Justice et de Mémoire pour les rescapés des crimes du FPR, alors que la dynamique mondiale actuelle semble reconnaître l’ensemble des crimes dont les rwandais ont été victimes, et ce y compris les crimes de masse commis par le camp de Paul KAGAME. A titre d’exemple, en avril dernier, les missions des Etats-Unis et du Royaume-Uni auprès des Nations Unis, ont tenu à souligner l’importance de mentionner toutes les victimes rwandaises, Hutu comme Tutsi, dans le choix d’une appellation reflétant tous les crimes de masse commis contre les Rwandais dans les années 1990[2]. La Commission DUCLERT n’ayant pas reçu le mandat d’entendre les rescapés et les familles des victimes de ces crimes, c’est donc vers vous, Monsieur le Président, que nous avons décidé de nous tourner afin de vous exposer les éléments qui fondent notre crainte de déni de Justice et de Mémoire, et espérons que vous saurez en tenir compte au moment de la réception du rapport définitif. Nos inquiétudes se basent sur trois éléments : 1)      Le rapport de la Mission d’étude en France sur la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse du Pr. Vincent DUCLERT du 4 décembre 2018. 2)      La note intermédiaire du Pr. Vincent DUCLERT du 5 avril 2020. 3)      La lettre de Madame la députée Frédérique DUMAS du 25 novembre 2020.  
  1. Le rapport de la Mission d’étude en France sur la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse du Pr. Vincent DUCLERT du 4 décembre 2018
Ce rapport, auquel vous vous référez dans votre lettre de mission, occulte de manière assez surprenante une partie des crimes de masse dont les rwandais ont été victimes dans les années 1990, ainsi que des crimes de masse dont ont été victimes les Burundais et les Congolais. Sur près de 383 pages, comment est-il possible qu’un rapport qui porte sur les génocides et les crimes de masse commis dans l’histoire de l’humanité, puissent précisément faire l’impasse sur ceux dont le FPR de Paul KAGAME serait directement ou indirectement responsable ? Ce manquement inexplicable, dénoncé également par plusieurs observateurs en France et à l’étranger[3], ne donne guère confiance quant à une analyse impartiale de la part du Pr. DUCLERT des archives portant sur ce qu’il s’est passé au Rwanda entre 1990-1994. Si le Pr. DUCLERT a passé sous silence les crimes de masse commis par le FPR-Inkotanyi en République Démocratique du Congo entre 1996 et 1999 contre les réfugiés HUTU, quelle garantie la France a-t-elle qu’il n’en sera pas de même pour son rapport sur la période allant d’octobre 1990 à juillet 1994 au Rwanda ? De nombreuses études et rapports parlent pourtant de plusieurs centaines de milliers de victimes HUTU recensées pendant cette période, à l’instar d’un article publié en juin 2020 par le centre d’étude sur l’Holocauste et les Génocide et intitulé : « Politics of Numbers: The Case of Rwanda » [4]   2. La note intermédiaire du Pr. Vincent DUCLERT du 5 avril 2020. Dans sa note préliminaire du 5 avril 2020, longue de 27 pages, le Pr. DUCLERT n’aura mentionné les crimes du FPR de Paul Kagame qu’à une seule reprise, à la page 8. En substance, il précise, que le Front Patriotique Rwandais s’est rendu coupable : « […] d’importantes représailles et des massacres de masse […] » entre avril et juillet 1994. Cette maigre précision, formulée avant même d’avoir entamé son travail d’analyse, trahit de manière subtile mais certaine, la position récurrente du Pr. DUCLERT à justifier ou à passer sous silence les nombreux crimes de masse perpétrés par le FPR avant et pendant le génocide d’avril à juillet 1994, c’est-à-dire entre octobre 1990 et juillet 1994, période que couvre précisément votre lettre de mission. Il serait inconcevable que les archives françaises ne puissent contenir des informations sur les massacres commis dans les zones conquises par l’armée du FPR, étant entendu que la France était engagée militairement auprès de l’armée gouvernementale de l’époque et disposait de renseignements précis sur les agissements du FPR, tout au long des trois années de guerre civile qui ont vu plus d’un million de rwandais fuir les exactions massives du FPR.   3. La lettre de Madame la députée Frédérique DUMAS du 25 novembre 2020. Madame la députée Frédérique DUMAS, ainsi que 28 autres de ses collègues, vous ont demandé en date du 25 novembre 2020, que vous : « donniez instruction à ce que l’ensemble des massacres qui se sont produits dans la région des Grands Lacs soient enseignés et soient l’objet de recherches, conjointement au génocide perpétré au Rwanda en 1994 contre les Tutsi ». Cette demande, formulée par voie officielle par des élus du peuple français, suffit à elle-même pour que vous rompiez votre promesse envers le Président Paul KAGAME et que vous étendiez votre mission d’analyse des archives de tous les pays et organismes concernés, à tous les crimes dont les rwandais, les burundais et les congolais (ex-zaïrois) ont été victimes pendant les années 90. Cette demande de la députée Frédérique DUMAS, fait d’ailleurs écho aux revendications du Dr. Denis MUKWEGE, prix Nobel de la Paix 2018, qui demande sans relâche que la communauté internationale prenne ses responsabilités et instaure un Tribunal Pénal International pour le Congo, afin de juger les graves crimes de masse recensés par le fameux « Mapping Report » du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU et dont certains sont attribués à la branche armée du FPR, l’Armée Patriotique Rwandaise de Paul Kagame.   Monsieur le Président de la République, Nous sommes français et nous serons toujours reconnaissants envers le pays qui nous a permis de nous reconstruire et de nous instruire. Nous ne pouvons plus rester silencieux face aux raccourcis et approximations de certains « spécialistes » de l’Histoire de notre pays d’origine, qui refusent constamment de reconnaître la qualité de victimes à tous les rwandais ayant souffert de crimes de masse, de crimes contre l’Humanité ainsi que de crimes de génocide. La Justice et la Mémoire pour tous les Rwandais est un sujet extrêmement sensible qui a été trop souvent sacrifié au profit d’intérêts politiques, économiques et parfois même militaires. Nous vous interpellons aujourd’hui afin que vous puissiez prendre conscience de l’importance d’étendre le périmètre de l’analyse des archives françaises à tous les crimes dont les rwandais ont été victimes entre octobre 1990 et juillet 1994, période pendant laquelle la France se trouvait au Rwanda. Votre promesse envers le Président KAGAME, la note préliminaire du Pr. DUCLERT du 5 avril 2020, ainsi que ses travaux précédents sur les crimes et génocides, portent à croire qu’une partie des crimes commis contre les rwandais risque d’être passée sous silence. Pourtant, seule une histoire complète de tout ce qu’il s’est passé au Rwanda pendant cette période, permettra véritablement d’apaiser les débats sur la réalité des crimes qui ont été commis contre les rwandais, dont évidemment le génocide contre les Tutsi d’avril à juillet 1994. En espérant avoir été utile à votre réflexion, nous vous prions, Monsieur le Président de la République, de bien vouloir recevoir l’expression de toute notre considération et nous tenons à votre disposition pour toutes explications complémentaires.   Pour Jambo France Nadine MUTONI Secrétaire Générale   Copie pour information : -          Le Pr. Vincent DUCLERT -          Le Dr. Denis MUKWEGE -          Madame la députée, Frédérique DUMAS -          Monsieur le Président du Sénat, Gérard LARCHER -          Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, Richard FERRAND -          Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel, Laurent FABIUS -          Présidents des principaux partis politiques en Franc

[1] L’association Jambo France a été créée par des jeunes d’origine rwandaise et ayant trouvé l’exil en France. L’association a comme mission, la mobilisation de toutes les ressources nécessaires à l’établissement et à la pérennisation d’un état de droit dans la région des grands lacs d’Afrique.
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